J.X de Lestrade adepte des documentaires, docu-fiction et adaptation de faits réels ou d'ouvrages mettant en lumière notre époque, revient sur un fait-divers qui délaisse ses présumés coupables pour s'intéresser à notre actualité et à la violence faite aux femmes. On passera sur la facilité du sujet aujourd'hui, mais on apprécie que la série n'axe pas seulement sur les évidences, tout en notant aussi que les années 80/90 ne semblent pas être forcément derrière nous.
Si le premier épisode n'engage guère l'envie de continuer, les suivants (avant les deux derniers expédiés malheureusement sur ce que l'on attend de la sidération et d'un fond plus nourri en matière d'enquête) sont d'une grande violence dans ce qui est démontré sur un ensemble d'interactions, d'effets rebond et du décalage comme souvent entre le verbe et la réalité. Nombre de comportements et de dialogues renvoie à notre bien courageux #meetoo et ses représentants, de plus en plus haï par un patriarcat qui n'a plus rien de son hypocrite bienveillance. La justice évidemment et son laxisme mais ce sont aussi les maris plus égoïstes et bien terre à terre qu'aimants (le malheureusement parfait Théo Costa Marini), les chantages affectifs, ou encore ces femmes aux postes clés qui ne peuvent semble-t-il changer la donne. L'exemple frappant d'une jeune juge (Pauline Parigot) que l'on fera disparaître rapidement pour sa pugnacité, ou d'une Maire que l'on balaie dès lors qu'elle sort des sentiers battus ou encore les erreurs de diagnostic qui ne se basent que sur les représentations acceptables du parfait violeur.
De cette traque qui n'en aura que le nom, la série jouera d'un montage en chapitre et par époque, en offrant à chacun au moins un épisode qui aura le mérite de ne pas rester sur un certain voyeurisme du fait réel. Lestrade part de l’enquête de la journaliste Alice Géraud, Sambre. Radioscopie d’un fait divers, entre documentation des faits et esthétique de fiction pour soulever la question de criminels sexuels en liberté et de la mauvaise prise en charge de la loi en axant son récit sur les victimes.
On peut alors regretter la présence d'acteurs reconnus pour brosser certains des protagonistes annexes. Noémie Lvosvky trop égale à elle-même, ou malgré une forte présence, le trop attendu Olivier Gourmet dans le rôle d'un capitaine bourru mais intègre, alors que le peu connu Jonathan Turnbull impressionne par sa faculté à rendre la dangerosité de l'individu de quelques regards et d'un comportement des plus enjoués soulignant la dualité de l'homme. On retrouve la caractérisation du bon père de famille, qui rappelle à Sam Karmann dans Laëtitia, pour celui ici, qui durant 30 ans passa entre les mailles d'un filet largement distendu de la justice. On ressent de la frustration pour le personnage joué par Clémence Poésy et sa méthode innovante et balbutiante à l'instar du FBI dans la traque de tueurs en série, tout autant que l'on saisit l'évidence de voir son travail de géolocalisation totalement oublié par les instances de justice, prise elle aussi par ailleurs, par les contraintes familiales, ou encore ce lieutenant, tout autant laxiste et condescendant que la justice qu'il représente, joué avec tellement de brio par Julien Frison, qu'on ne pense qu'à le baffer constamment. Et évidemment Alix Poisson, actrice récurrente des exercices qui fâchent de De Lestrade, même si on ne saluera pas franchement la redondance du jeu, si ce n'est de marquer le déni de certaines victimes pour en révéler tout le traumatisme et qui appuie l'enfermement et l'anonymat sociétal bien souvent acceptés et forcés, dans lesquels évoluent les femmes.
Si Jeux d'influence traitait à la manière d'un thriller un fait d'actualité par une fiction fort bien menée, Sambre nous informe très rapidement de l'identité du violeur, laisse les violences hors champs, évite le sentimentalisme au profit de la radioscopie des faits, et on salue encore une fois la sobriété pour un travail à froid que l'on apprécie dans « presque » tous les exercices du réalisateur.