"Les chambres rouges", et c'est une des constantes du métrage, est une œuvre qui dès le prologue met le spectateur à l'épreuve. Chaque plan de la très inquiétante scène d'ouverture interroge : où sommes-nous, qui sont les personnages ?
Une jeune femme se réveille dans la rue et se dirige vers un bâtiment, passe un contrôle de sécurité pour se diriger vers ce que nous comprenons être une salle d'audience. Elle semble mal assurée, perdue, le regard un peu apeuré.
La salle d'audience est froide blanche et très vite l'horreur est dévoilée: l'homme dans le box (une cage de verre inquiétante) est accusé d'avoir tué, violé mutilé trois jeunes filles afin de diffuser les vidéos dans des chambres rouges, espaces virtuel du web alternatif dans lesquels sont montrés ces abominables snuff movies à des commanditaires fortunés.
Dès la plaidoirie préliminaire de la procureure, le malaise s'installe devant une situation dont personne n'arrive à mesurer l'horreur ni la portée. Ce sentiment ne nous quittera pas deux heures durant, Pascal Plante entretenant tout au long du film et avec un certain brio un profond dégoût pour cette société déshumanisée par des pratiques qui placent la technologie le sensationnalisme virtuel au centre de nos vies, en tuant à petit feu la compassion et l'empathie.
Pourtant (et c'est heureux), les atrocités ne seront jamais montrées, le détails des faits restera dans l'ombre, tout comme les arguments du coupable présumé, ce dernier restant silencieux et donc un intervenant secondaire.
Non, dès la fin de la première journée d'audience, il apparait que les deux personnages centraux seront deux jeunes femmes, la première citée, donc (Kelly-Anne) et Clémentine plus jeune encore, (elle réellement sans domicile fixe), absolument fascinée par l'accusé, prête à tout pour prouver son innocence.
La personnalité de Kelly-Anne se révélant plus opaque encore lorsque nous la découvrons asociale, hackeuse gagnant sa vie grâce au mannequinat et au poker en ligne. Les deux jeunes filles vont nouer une relation complexe autour de ce procès sans que l'on ne connaisse réellement les motivations de la hackeuse.
Le tour de force, mais également les limites de cet effort, est d'imposer une réflexion permanente, doublée d'une découverte progressive de la personnalité et des motivations des deux protagonistes, sans jamais perdre de vue les enjeux du procès, ni le fil d'une narration qui malgré un brassage impressionnant de thématiques parviendra à rester fluide.
La réalisation au contraire, se fera de plus en plus précise, parfois virtuose même au fil de l'avancée du film, réservant quelques scènes opportunes : par exemple une scène d'un réalisme saisissant encore une fois : celle d'un show télé racoleur, qui fait évidemment écho pour nous à un de nos talks lamentable,
ou bien un (faux) plan séquence extraordinaire le dernier jour du procès, lorsque Kelly-Anne prendra l'apparence physique et vestimentaire d'une victime sous le regard incrédule du suspect dans une scène d'une incroyable intensité.
En recentrant les développements sur le cœur du récit, le rythme effréné de la dernière demi-heure permet au film d'atteindre son apogée, de clore cette brillante étude psychologique.