Et si demain tout le monde parlait en roulant exagérément les r et en transformant les adjectifs de manière hyperbolique, avec les yeux exorbités, le monde serait sans doute plus drôle. Daaaaaali ! est un portrait démesuré d'un fou génial, à l'égo boursouflé, un tableau biscornu et irrésistible dans le style Dupieux, qui ose tout et à cela qu'on le reconnaît et qu'on lui est reconnaissant de refuser le conformisme assez partagé du cinéma actuel, souvent cloué au sol par son manque d'audace. Dali, peintre dément, est désespérément hors du commun des mortels et solitaire et c'est aussi ce que le film montre, la peur de la vieillesse et de la mort en bandoulière. C'est plus qu'un clin d’œil que le cinéaste adresse au Buñuel de L'âge d'or, un hommage plutôt, à un réalisateur qui choquait le bourgeois et inventait, à sa manière, l'exercice de style, dans une forme héroïque et scandaleuse. On en a vu d'autres au cinéma, depuis un siècle, mais Dupieux reste un authentique créateur de concepts qui parfois se rate, c'est humain, mais souvent éblouit par son inventivité. Daaaaaali ! est un excellent cru, une vengeance délicieuse contre tous les biopics compassés qui submergent nos écrans. Et ses acteurs le suivent sans barguigner, Anaïs Demoustier, en tête, formidable, tout aussi brillante dans sa simplicité que les incarnations du peintre parmi lesquelles on pourra saluer en priorité, même si le choix est subjectif, Jonathan Cohen et Édouard Baer.