Deux jours, c'est le temps d'exposition dont a bénéficié Creation of the Gods I: Kingdom of Storms dans les salles françaises. Ce film a suivi de près les traces de Godzilla Minus One, qui a également connu une sortie limitée de deux jours sur le territoire français, avant d'être à nouveau projeté en salle pour deux semaines supplémentaires suite à son succès. Le fait de ne rester que deux jours à l'affiche dans les cinémas présente divers avantages, notamment celui de contourner la chronologie des médias, ce qui est probablement plus profitable pour trouver son public sur les plateformes de streaming (les films asiatiques semblent avoir davantage la côte sur Netflix que dans les salles françaises) mais surtout permet d'analyser le terrain et l'intérêt des spectateurs pour les superproductions spectaculaires asiatiques sans avancer trop de frais. Creation of the Gods I : Kingdom of Storms est le premier épisode d'une trilogie historique adapté du roman L'Investiture des dieux, l'une des plus grandes légendes chinoises, qui mélange faits historiques (la chute de la dynastie des Shang au profit des Zhou au milieu du XIe siècle avant notre ère) et folklore chinois. Après avoir conspiré avec un démon et tuer l'empereur, le roi Zhou abuse de la loyauté de ses sujets et règne comme un tyran ce qui déchaine la colère du ciel. Dans une dernière tentative pour sauver le monde des mortels, les dieux interviennent et tentent d'investir un champion pour défier le roi. Au-delà de la curiosité qu'inspire un blockbuster chinois médiéval qui parvient à s'immiscer dans l'hexagone, que reste-t-il ? 

Le Seigneur des anneaux chinois 

Compromis bâtard entre les films de sabre chinois, très populaire en Chine, connu sous le genre du wu xia pan, et une forme de cinéma d'action populaire plus occidentalisée, le film peine à trouver une véritable personnalité sur sa tonalité. A l'exception de personnages divins et de démons, aucun des protagonistes ne se verra doté de pouvoirs ou d'une agilité extrême, ce qui est pourtant habituel dans le wu xia pan (A Touch of Zen de King Hu, Tigre et Dragon d'Ang Lee...) mais se verra ici, au contraire, très ancré, très terrien. Si les coups paraissent lourds et efficaces dans Creation of the Gods, loin des attaques aériennes du genre, le film s'accroche tout de même à sa part folklorique grâce à son bestiaire et ses divinités : démon renard, dragon oriental, sorcier chinois... C'est ici que semble résider le principal intérêt du film : dans son exotisme lacéré. Le film de Wuershan peut rappeler des sagas comme Le Seigneur des anneaux (on y suit beaucoup de personnages dans des lieux parfois très éloignés) ou Game of Thrones (mieux vaut ne pas trop s'attacher à certains personnages) et il contient à la manière des productions Marvel ou DC Comics, des scènes post-génériques annonçant une suite aux enjeux toujours plus fort. La promotion de ce dernier a d'ailleurs été centrée autour de la comparaison avec les grands divertissements américains : "Oubliez Marvel". Difficile de leur donner tort au vu de l'essoufflement du genre super-héroïque et de la générosité des scènes de bataille (l'ouverture du film est assez époustouflante), même si tout cela sonne comme un appel du pied à peine dissimulé à l'Occident. 


De façon assez hétérogène, le film parvient à être dynamique, peut-être trop, à l'exception d'un léger ventre mou au milieu de l'aventure. Il renouvelle sans cesse ses personnages et ses décors, on passe par exemple d'une forteresse enneigée à une chaîne de hautes montagnes aux allures de dimension divine (la cordillère de Kunlun joue un rôle très important dans la mythologie classique chinoise). En définitive, tout est évocation à l'aventure, à l'épique et aux limites de la loyauté, de la montrer comme une qualité morale ambiguë. Le cinéma d'auteur asiatique est un terrain particulièrement riche et fertile, il semblerait que son cinéma plus populaire mérite tout autant notre attention, sans se cantonner aux festivals, et en tout cas plus de deux jours. 

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Le 12 février 2024

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