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le 23 mai 2022
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Saison 1:
Jack Reacher, création de l’écrivain à succès Lee Child, est devenu en deux films (pas extraordinaires, il faut l’avouer) l’une des incarnations populaires – surtout aux USA – de Tom Cruise, en dépit de ses différences physiques avec le personnage de fiction. Il est néanmoins bien possible que ce soit désormais le semi-inconnu Alan Ritchson qui représente pour toujours ce « héros américain » hors du commun… Hors du commun, surtout comme dépeint dans la série de Nick Santora, parce qu’une combinaison redoutable autant qu’improbable de puissance physique à la Terminator, de capacités de déduction dignes de Sherlock Holmes, et de quasi-autisme « asperbergien » dans ses rapports avec autrui (ce qui nous vaut le même genre d’humour que l’on a pu apprécier, ou non, dans "Bron" avec le personnage de Saga !).
Et cet étrange assemblage de génie intellectuel, de force brute et d’indifférence souveraine, fait atteindre au personnage, dès le premier et excellent épisode d’introduction de "Reacher", une sorte de statut légendaire, qui permet à la série de se maintenir tout au fil de ses 8 épisodes à un très haut niveau de capital sympathie de la part du téléspectateur. Il fait évidemment féliciter Ritchson pour cet exploit, et souligner qu’il y a 30 ans de cela, il aurait pu sans honte rivaliser au box-office du cinéma d’action grand public avec les Stallone, Willis et Schwartzenegger qui triomphaient alors, ce qui n’est pas une mince affaire.
L’histoire que raconte cette première saison, adaptée du "Killing Floor" (en français : "Du Fond de l’Abîme") de Lee Child, est néanmoins complexe, avec une multitude de personnages et de nombreux retournements de situation qui vont tour à tour nous ravir et nous irriter : comme dans un western ou presque, un inconnu débarque à pied dans une petite ville du Sud, pour être immédiatement accusé de meurtre et mis en prison. Il va rapidement rejoindre l’équipe des enquêteurs, et affronter avec eux les forces obscures – économiques – qui régissent la région et dévoiler une conspiration criminelle d’échelle internationale…
Si l’on peut regretter que tous les méchants soient largement caricaturaux et donc facilement identifiables – entre sud-américains moustachus et cruels et locaux psychopathes er sournois, on est gâtés – et également que la résolution finale d’une histoire aussi riche se réduise comme toujours à un baston général, sans que tout ait été réellement éclairci, il faut admettre que le scénario de Santora et son équipe nous tient en haleine pendant les 7 heures de la série. L’une des forces de "Reacher" est d’avoir entouré son charismatique personnage central d’excellents acteurs, comme Malcolm Goodwin, formidablement irritant dans un rôle de flic coincé et trop bien éduqué, ou Willa Fitzgerald en femme forte qui ne s’en laisse pas compter, malgré son physique de brindille.
S’il est un aspect de "Reacher" qui passera beaucoup moins bien chez nous qu’aux USA, c’est sa célébration décomplexée de l’usage des armes et sa légitimation systématique de l’usage de la violence par les « bons » contre les « méchants » : Dans le troisième épisode, Reacher liquide deux tueurs vénézuéliens en leur tirant dans le dos, et racontera plus tard avoir exécuté sans remords des Irakiens s’étant livré à des actes pédophiles lors de la guerre. Comme dans les westerns d’antan, le « loner » est clairement judge, jury et aussi executioneer : on ressent immédiatement moins d’affection pour Reacher, et on est content qu’il sévisse dans l’Amérique trumpienne, loin de chez nous.
[Critique écrite en 2022]
https://www.benzinemag.net/2022/02/10/prime-video-reacher-terminator-sherlock-holmes-saga/
Saison 2 :
Il y avait eu ce moment au milieu de la première saison où nous avions tiqué devant le principe de l’exécution sommaire des « bad guys » défendu et appliqué par Jack Reacher, ex-militaire devenu « hobo » se perdant sans papiers, sans argent et sans liens émotionnels dans les profondeurs de l’Amérique… euh profonde. Et regretté ce positionnement politique au cœur d’un pays de plus en plus sensible aux sirènes trumpiennes de plus en plus extrêmes. Et puis, et un peu honteux, nous avons dû admettre que la qualité du spectacle offert par la série de Nick Santora, et l’excellence de l’interprétation générale diluait peu à peu nos réserves morales d’Européen encore attaché à certains principes démocratiques.
Dans cette seconde saison, moins originale que la première, car elle s’apparente beaucoup plus à un thriller d’espionnage comme on en a déjà vu des dizaines, il est admis dès les premières minutes que l’objectif de Reacher et de ses amis (car il en a, on le découvre ici), c’est l’application systématique de la peine de mort sans autre forme de jugement à quiconque « le mérite » (et c’est évidemment Jack Reacher qui décide ce fameux « mérite »). Au moins, il n’y a pas d’ambiguïté ! Bien entendu, le scénario de cette saison, basé sur Bad Luck and Trouble (La faute à pas de chance), onzième titre de la série de Lee Child datant de 2007, nous évite le moindre dilemme moral en alignant des personnages de « bad guys » totalement haïssables, auxquels nul téléspectateur rationnel ne saurait « pardonner » leurs crimes. Il reste que le fait que Reacher agisse ici avec comme premier moteur le désir de venger des amis, exécutés dans des circonstances atroces, crée ce brouillage de valeurs, très typiques des fictions populaires US, où justice et vengeance sont emballées dans un même paquet assez nauséabond.
L’histoire, cette fois, voit Jack Reacher retrouvé par les ex-membres d’une petite troupe de policiers militaires qu’il commandait, dont les membres sont décimés les uns après les autres. Enquêtant sur ce qui a bien pu leur arriver, Reacher et les survivants du commando vont tomber sur une conspiration visant à vendre très cher au mieux offrant une technologie militaire applicable dans le civil qui permettrait à quiconque d’abattre facilement des avions de ligne. Complices des trafiquants d’armes internationaux et des terroristes, les méchants capitalistes disposant d’appuis à Washington, et dirigés par le toujours aussi vénéneux Robert Patrick (inoubliable T1000 chez Cameron) constituent la cible préférée des populistes US, bien décidés à mettre dans le même sac politiciens professionnels, hommes d’affaires sans cœur et terroristes basanés, et à laisser l’armée leur régler leur compte.
Bref, pour aimer Reacher (et il faut admettre que nous aimons cette série, peut-être parce que, au fond de nous, nous aimerions tous être Jack Reacher, capable de régler leur compte tout seul, et impunément, à tous les nuisibles de la planète), il convient de ne pas être dupes du message véhiculé… Et de le prendre pour ce qu’il est, une accumulation de gamineries réacs qui permettent aux scénaristes de nous offrir de réjouissantes scènes d’action sans aucun état d’âme… Hormis le final avec le long combat à mains nues dans un hélicoptère en plein vol, dans lequel les effets spéciaux un peu cheaps ne contribuent pas à la crédibilité de la scène, chacun des huit épisodes de cette seconde saison offre son content de bourre-pifs colossaux, totalement ludiques (allez, reconnaissons que la bagarre contre un gang de motards est un pur kiff !), ou de fusillades roboratives, saupoudrés de moments de franche rigolade, généralement basés sur l’Asperger de Jack Reacher, incapable de la moindre réaction humaine.
Si Reacher fonctionne aussi bien, c’est néanmoins avant tout grâce à son casting, totalement crédible. Derrière un Alan Ritchson idéal dans ce rôle de « Terminator des années 2020 », il y a tout un casting formidable, extrêmement bien choisi et bien dirigé, qui nous enchante en permanence, en particulier grâce à l’alchimie entre eux. La palme revient cette fois à Maria Sten, qui compose une Neagley aussi charismatique que son boss, et à Domenick Lombardozzi, parfait en flic new-yorkais dur à cuire.
Plaisir coupable, devant lequel il est permis de renâcler, Reacher est un divertissement décérébré indiscutablement réussi.
[Critique écrite en 2023]
https://www.benzinemag.net/2024/01/23/prime-video-reacher-saison-2-confirmation/
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Le 9 février 2022
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